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HENRI SAULDUBOIS
Peintre montbéliardais    1898-1981

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La deuxième guerre mondiale (1939-1945)

Bien des événements - plutôt inquiétants - ont lieu un peu partout en Europe. Notre pays n'est pas épargné : il vit une sérieuse dépression économique, avec bien des agitations et même de vastes mouvements de grèves en 1936, avec occupation d'usines un peu partout. La situation internationale va s'aggravant et on parle sérieusement de guerre... septembre 1938 voit une première mobilisation. Les craintes se confirment avec la déclaration de guerre le 3 septembre 1939.            

Notre père se trouve mobilisé au fort du Mont-Bart, avec d'autres montbéliardais : messieurs Billerey, libraire dans la grand'rue, Ralite, commerçant en chaussures, Ernest Lévy et Renaud, ce dernier, de Bart. L'hiver 39/40 est rude et froid : –35°C, au sommet du Mont-Bart ! Les baraquements, à l'extérieur du fort, qui servent à l'hébergement de ces messieurs sont franchement impossibles à chauffer. Un certain matin, les moustaches de monsieur Renaud, se trouvent gentiment agrémentées de givre ! En mai 1940, Henri Sauldubois se retrouve à Toul pour y être démobilisé, en compagnie d'un autre montbéliardais du faubourg de Besançon : Georges Donzé. Ils y essuient un bombardement aérien.            

Vers le 15 juin 1940, comme beaucoup de monde à ce moment là, et surtout parce que nous habitons tout près de la gare de marchandises, lieu d'embarquement et de débarquement des troupes et du matériel, Henri Sauldubois, mon père, juge plus prudent de quitter l'avenue des Alliés. Nous allons donc connaître la débâcle... Quelle tristesse ! Au cours d'un arrêt à Valentigney, chez une sœur de notre mère, il est décidé que sa fille nous accompagnera le reste du voyage. Les nouvelles sont mauvaises : les Allemands arrivent à Luxeuil. Les jeunes gens s'enfuient sur leur vélo. Les civils possédant un véhicule s'y entassent, emportant avec eux tout ce qui est possible. C'est la panique. Nous devions retrouver grand'mère Sauldubois et la famille paternelle près de Nîmes, après un autre arrêt de quelques jours chez une autre sœur de Maman, à Vienne, dans l'Isère. Pour nous, les jeunes, reste le souvenir d'une période trouble, aventureuse. Les adultes, eux, sont soucieux et anxieux. Pendant l'exil, pour tromper l'attente, Henri retrouve ses chers crayons, pinceaux, cartons et peintures. A cette époque, de fraîches et lumineuses aquarelles voient le jour. Toute sa sensibilité y transparaît. Ah ! La lumière du midi ! 

L'été passé, les choses et les gens reprennent leur place, les événements modèlent différemment notre beau pays : la France est occupée et scindée en deux parties : la zone libre et la zone occupée incluant une zone interdite. Pour réintégrer notre petit Pays de Montbéliard, nous devons passer en fraude, à pieds, la ligne de démarcation entre Poligny et Arbois, bravant le danger d'être pris et les suites que cela comportait : prison, amendes.             

Commence alors la première des quatre années d'occupation, années sombres et pas faciles, douloureuses aussi. Le travail et les santés supportent le contre coup des restrictions de toutes sortes imposées par l'occupant, avec la rigueur des cartes d'alimentation. Mais il faut garder le moral et tenir.             

Pour donner une idée de ce que nous vivons à cette époque, on peut lire dans la presse locale d'alors, "Le Pays", en 1942:

Répartition de légumes frais, ration de vin, distribution de carte de lait, carte de pomme de terre, réglementation de la braise de boulangerie, bons de chaussures et textiles, distribution de confiture, tickets de carburant, lutte contre le doryphore, colis aux prisonniers de guerre, rappel à l'ordre pour l'obscurcissement des fenêtres par le maire, monsieur Bermont. Il faut faire en sorte qu'aucune lumière n'apparaisse au dehors, aussi bien chez les particuliers que dans les bâtiments publics et le long des routes (mesures décrétées par l'occupant contre les incursions aériennes des Alliés). Des cartes de jardinage sont attribuées par la ville pour quatre ans aux familles, en complémentarité des faibles rations. Distributions de savon, d'œufs. Pour les bonbons vitaminés, se munir de la carte d'alimentation et du livret de famille. Réquisition des chevaux, organisation de colonies de vacances. Le marché noir (marché parallèle, plus cher et sans ticket) sévit.            

Les écoliers et collégiens que nous sommes reçoivent des tickets à faire honorer chez les libraires, pour percevoir les cahiers nécessaires mais pas assez nombreux : on apprend ainsi à économiser le papier !   

Pour les tickets d'alimentation, la population est organisée en différentes catégories : A pour adulte, J1, J2, J3 pour les enfants et adolescents. T pour travailleurs de force, V pour les personnes âgées. Les femmes enceintes et les mères de familles nombreuses ont droit à des allocations spéciales et des cartes de priorité. 

Il semble bien qu'au cœur de l'homme existe toujours le désir de s'exprimer, et justement peut-être plus encore pendant les périodes de guerre et de conflits. Ce sont les jaillissements de la musique, de l'écriture, de la peinture qui disent la vie, l'espoir, la lutte, le désir de liberté.             

A la suite de l'exposition de Jules Vittini, le 12  mai 1942, se déroule au château l'inauguration du deuxième salon des artistes montbéliardais, par monsieur le sous-préfet de Verbizier, le maire Bermont et Duvernoy de la Société d'Emulation de Montbéliard. On rappelle la disparition récente (le 7 mai à Paris) de Jules Zingg, de Melle Parrand. Les exposants ont pour nom : mesdames Ferrand, Lods, messieurs Roger Comte, Coulon, Paul Elie Dubois, Huber, Pierre Jouffroy, Lafuge, Macabrey, Messagier, Munier, Robert Pillods, Gaston Robbe, Henri Sauldubois, Valfrey, Villequez.            

De notre père, il est dit :"Un revenant, avec ses vieilles au marché, riches de malice et d'humour".             

Au théâtre, on donne alors : "Ces dames aux chapeaux verts". On a besoin de telles pièces pour soutenir le moral ! C'est encore cette année-là que la couverture de la Schliffe est déclarée d'utilité publique et que l'on assiste à l'aménagement définitif de la promenade des fossés par la couverture du canal de dérivation de la Savoureuse.             

C'est aussi l'année où, pour les Juifs, le port  d'un insigne (une étoile jaune) devient obligatoire. Celle-ci brille au clocher de Saint Mainboeuf à Noël et dans la crèche, la Sainte Famille la porte aussi. C'est un acte de résistance et de réprobation de l'abbé Flory, archiprêtre cher aux montbéliardais et dont le nom est inscrit au mémorial en Israël.             

Encore une exposition à signaler en cette même année : du 10 au 18 octobre 1942, se déroule l'exposition d'automne, à l'atelier 42, n° 5 de la rue des Etaux, atelier de dessin et sculpture ouvert par Melle Simone Laithier, sculpteur et Roger Comte, peintre. Des peintres du Pays de Montbéliard exposent quelques-uns unes de leurs oeuvres : Paul-Elie Dubois, Pierre Jouffroy, Robert Pillods, Henri Sauldubois, Roger Valfrey. La relation en est faite par Georges Becker dans le Pays de l'Est du 13 octobre 42. Il dit de notre père: "Sauldubois offre deux vues d'un coin de Montbéliard aujourd'hui  disparu  et  deux  bons  portraits.  Les deux dessins surtout sont  d'une fraîcheur agréable." et d'ajouter :"Cette exposition fut un véritable succès".              
Cette même année voit l'ouverture d'une galerie "Art et Meubles, lancée par René Clerc, commerçant bien connu sur la place et toujours prêt à entreprendre. Cette galerie, située faubourg de Besançon est aménagée à la place des anciens magasins Gogler. Il y a encore quelques années, les lieux étaient occupés par les magasins Frei, commerçant en articles ménagers, machine à laver, télévision, etc.. L'idée et le désir de René Clerc sont de rassembler les peintres locaux. Ainsi voit-on les signatures de Messieurs Clavequin, Comte, Jouffroy, Laffuge, Messagier, Pillods, Sauldubois. Ces peintures, d'expressions si différentes, voisinent avec de vieux bahuts francs-comtois, des horloges, des commodes anciennes, tout cela se mettant mutuellement en valeur.             

Ces détails, nous ont été très aimablement communiqués par Madame René Clerc, décédée le 5 octobre 1990. Elle m'avait reçue en mai de la même année.             

En 1976, peu de temps avant sa disparition, René Clerc avait fait une conférence au CIPES, dans laquelle il faisait allusion "aux dessins et caricatures pleins d'humour et de vérité d'Henri Sauldubois."   

La caricature exprime beaucoup de choses : c'est la justesse du ton, du trait mais l'humour n'y est pas toujours légèreté. C'est aussi l'exagération d'un travers ou d'un défaut, d'un événement, d'un homme, ou d'un groupe. Le coup de crayon d'Henri Sauldubois y excellait.                        

La libération n'est pas loin lorsqu'un jour le chef de la Kommandantur, le Balafré, vient inspecter le "makazin" (comprendre l'atelier de notre père...) Mitraillette au poing, des soldats gardent l'entrée de notre maison. Inutile de dire notre frayeur ! Effectivement, Henri Sauldubois vient de terminer des banderoles et drapeaux pour la Résistance. Tout cela est heureusement bien caché. Nous en sommes quittes pour la peur...            

Puis, après plusieurs mois d'attentats, de rafles, de batailles dans la région, avec les maquis : Ecot, Etobon, Lomont, Saulnot, et combien d'autres, la Libération arrive le 17 novembre 1944. Après une occupation de quatre  années,  la  première  armée  française libère le Pays de Montbéliard dont la population avait payé un lourd tribut à l'occupant : arrestations, déportations, exécutions sommaires aussi...             

Deux dessins sortent du cœur et des doigts de notre père : Le Coup de pied "a tchu" et l'Accueil du Libérateur. Le premier est le plus connu. L'Est Républicain du 5 novembre 1965 nous dit : "Il a débordé le cadre de la Franche-Comté, connu partout en France". Quelques exemplaires sont aux USA. Il résume bien l'état d'esprit du moment et notre brave diaichotte fait, somme toute, ce que tout un chacun désirait faire depuis longtemps. Sauldubois n'avait rencontré qu'une fois le chef de la kommandantur mais il l'avait "photographié" et c'est bien lui qui reçoit le coup de pied. Quant au sous-titre "Rheein…", il est là pour marquer l'effort de la diaichotte qui n'y va pas de main morte. Le second dessin, c'est toujours notre diaichotte, en habit des dimanches cette fois, qui accueille le général de Lattre de Tassigny et à travers lui, tous ceux qui nous rendent la liberté. 

17 novembre 1944, libération d eMontbéliard. La diaichotte donne un coup de pied au balafré de la Feldgendarmerie
La diaichotte expulse le chef de la Kommandantur d'un coup
de pied saboté, à l'entrée du château de Montbéliard.

17 novembre 1944, libération de Montbéliard. La diaichotte acceuille de Lattre de Tassigny
Il s'agit de Karl Dietz, sous-officier de la Feldgendarmerie de Montbéliard,
 dit le Balafré, docteur en philosophie.
La balafre est un souvenir de ses études à l'université d'Heidelberg.
Lors d'un duel initiatique au sabre avec les anciens,
 il n'a pas reculé et a donc été blessé.
Les jeunes étudiants allemands étaient fiers de cette "Mensur"
marquant leur entrée dans une corporation .

Ce dessin est hautement symbolique car le Balafré,
détesté des habitants du Pays de Montbéliard
 pour sa dureté,
avait été tué le 22 août lors de l'attaque
du maquis du Lomont.

La diaichottre accueille le Libérateur, le général de Lattre de Tassigny
 à la porte de l'hôtel de ville de Montbéliard.


Elle montre son pied chaussé finement pour honorer le vainqueur, et adopte une attitude humble et reconnaissante.



Ces deux dessins furent largement diffusés
 sous la forme de cartes postales.


Henri Sauldubois restitue avec beaucoup de véracité  les situations, le moment, les expressions ! Au cours des différentes expositions qui ont lieu en ce mois de novembre 1994, à l'occasion du cinquantenaire de la Libération de notre Pays de Montbéliard, on voit réapparaître un peu partout ce fameux dessin du Coup de pied. Les années passant, mon père disait qu'il était le reflet d'une époque et souhaitait qu'on ne le reproduise plus. Lui, l'ancien combattant de 14 - 18 et 39 - 45 ajoutait :"Il faut éviter tout esprit de vengeance, afin que de tels événements ne se reproduisent plus". 

Henry Sauldubois : 24 septembre 1898-28 avril 1981 : tout simplement montbéliardais / (Janine et Michel Pélier). - Bart 25420 Déposé 2001. - 61 p. : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. ; 30 cm.
Titre de couv. : "H. Sauldubois, peintre témoin de son temps". - DL 01-23669 (D4). - 920 (Br.) : 150 F.
Sauldubois, Henry (1898-1981) -- Biographie
BN 02686124   01-48063

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Mise à jour: 26  10 2019

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